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Chapitre 1  Introduction

LA QUALITÉ DE SERVICE DANS L'INTERNET

L'Internet est un réseau à commutation de paquets qui ne fournit qu'un service ``au mieux'' (best-effort), c'est à dire qu'aucune garantie d'aucune sorte n'est faite sur le service offert, autre que l'engagement du réseau à faire ``du mieux qu'il peut'' pour amener les paquets à destination. Ce type de service est tout à fait utilisable par les applications élastiques, qui n'ont pas de contrainte temporelle et peuvent donc accepter de grandes variations de délai et compenser les pertes éventuelles par des retransmissions. Ainsi le réseau ne fournit qu'un service minimal, et c'est au niveau de la couche transport qu'est gérée la fourniture d'un service de bout en bout satisfaisant. Toutes les applications initialement développées sur l'Internet se satisfont d'un tel service.

Cependant, le développement de l'Internet a suscité la création de nouveaux types d'applications, multimédias, qui ne peuvent se satisfaire d'un tel service minimal. Ces applications ont des contraintes du type temps réel et ont besoin de garanties de délai et/ou de débit pour les flots de données qu'elles génèrent. Différents types d'applications auront besoin de garanties plus ou moins strictes. Pouvoir satisfaire les besoins de ces applications, c'est leur fournir une qualité de service adaptée.

Depuis de nombreuses années, des travaux importants sont menés dans le domaine de la qualité de service dans les réseaux à commutation de paquets. En particulier, des techniques d'ordonnancement de paquets (comme par exemple le weighted fair queuing) permettent de garantir un débit et sous certaines conditions un délai à un flot de données. Dans le cadre de l'Internet, une architecture pour fournir la qualité de service a été développée par l'IETF. Basée sur l'intégration de services, l'architecture IntServ/RSVP utilise le protocole RSVP pour gérer des réservations de ressources pour chaque flot de données.

Plus récemment, une approche différente a été proposée par l'IETF : la différenciation de services, DiffServ, repose sur une gestion de trafic par classe et des méthodes de conditionnement du trafic à l'entrée dans le réseau. Cette approche résout certains des problèmes qui se posent à IntServ mais apporte ses propres difficultés. Dans cette thèse, nous nous concentrerons sur l'architecture IntServ.

Pour qu'une telle architecture soit effective, elle doit être mise en place dans l'ensemble du réseau, y compris dans les réseaux d'interconnexion (backbones), de façon à fournir des garanties de service de bout en bout. Ces réseaux d'interconnexion posent cependant des contraintes particulières et sont donc sources de problèmes pour l'architecture IntServ.

Les problèmes liés au haut débit

La première contrainte est celle du haut débit. Une très grande quantité de paquets devant être traités en un temps très court, il faut obtenir des temps de traitement par paquet extrêmement faibles. Ceci nécessite l'utilisation de technologies particulières pour les éléments d'interconnexion, qui sont capables de traiter les paquets à un rythme très élevé. Dans le cas d'un réseau à intégration de services, le traitement à appliquer à chaque paquet est nettement plus complexe ce qui rend le problème plus difficile à résoudre.

Une approche développée ces dernières années pour atteindre des débits élevés dans le cadre du service au mieux est représentée par les solutions de type ``commutation IP'' qui permettent d'associer la flexibilité et la robustesse d'IP aux capacités haut débit d'un moteur de commutation ATM. Cette approche au départ proposée par la compagnie ``Ipsilon'' a été reprise par de grands industriels des réseaux. Elle a été généralisée sous le nom de ``commutation par labels''. Le groupe de travail Multi Protocol Label Switching (MPLS) de l'IETF est chargé de standardiser cette technologie.

Nous nous proposons de montrer comment les mécanismes de l'intégration de services peuvent être adaptés pour ce type de technologie, résultant en une technologie de réseau haut débit capable de gérer la qualité de service.

Les problèmes liés au facteur d'échelle

Un autre problème est celui du facteur d'échelle. Une architecture telle que IntServ/RSVP qui requiert de maintenir des états par flot pose certains problèmes pour le passage à l'échelle. Une augmentation très importante du nombre de flots à gérer se traduit en un accroissement de la charge de traitement qui peut devenir insupportable. Cette charge se situe aussi bien dans le plan de données, où des états de classification et d'ordonnancement doivent être maintenus par flot et manipulés à chaque paquet, que dans le plan de contrôle où il faut maintenir des états de gestion par flot.

Dans le texte de cette thèse, nous utiliserons souvent les mots ``scalabilité'' et ``scalable'', dérivés des mots anglais scalability et scalable, pour éviter la lourdeur du recours systématique à des expressions du type ``capacité à passer à l'échelle'' ou ``sensible au facteur d'échelle''.

Nous explorons dans cette thèse deux types d'approches au problème du passage à l'échelle :

PLAN DU DOCUMENT

Le corps de la thèse est constitué de quatre chapitres.

Dans le chapitre deux, nous faisons un bref état de l'art de la gestion de la qualité de service dans les réseaux à commutation de paquets tels que l'Internet. Nous décrivons en particulier les deux modèles actuellement proposés, IntServ et DiffServ, leurs architectures, les services proposés, leurs avantages et les problèmes qui restent à résoudre. Nous montrons comment il est possible d'obtenir des garanties de délais déterministes dans un réseau à commutation de paquets. Enfin, nous présentons la technique d'ordonnancement weighted fair queuing et quelques unes de ses nombreuses variantes.

Dans le chapitre trois, nous présentons les principes de la ``commutation IP'', et en particulier la solution ``IP switching'' développée par Ipsilon. Cette technologie permet de construire des éléments d'interconnexion supportant des débits très élevés, mais n'inclut aucun support pour la qualité de service. Aussi, nous proposons une adaptation de l'architecture IntServ, et en particulier du protocole RSVP, au contexte de cette technologie. Cette proposition a été validée par la réalisation d'un prototype.

Dans le chapitre quatre, nous étudions une solution basée sur l'agrégation des flots au problème de scalabilité de l'architecture IntServ. Partant de la constatation que ce problème ne se pose réellement que dans des zones bien définies, les réseaux d'interconnexion, nous proposons d'utiliser l'architecture telle quelle partout où c'est possible et d'utiliser des techniques d'agrégation dans les réseaux d'interconnexion. Nous montrons comment des garanties par flot peuvent être assurées malgré une granularité plus grossière dans la gestion des ressources. Nous définissons ensuite des mécanismes d'interfaçage permettant une gestion entièrement transparente des mécanismes d'agrégation du point de vue des applications. Enfin, nous montrons dans quelles conditions les techniques d'agrégation permettent également une gestion plus efficace des ressources.

Dans le chapitre cinq, partant de la même architecture globale proposée au chapitre quatre, nous proposons une approche différente au problème de la scalabilité. Les techniques d'agrégation impliquent intrinsèquement une perte de flexibilité dans la gestion des ressources. La technique Dynamic Packet State permet de supprimer la gestion d'état par flot en transportant les informations nécessaires dans les paquets. Afin d'obtenir des garanties déterministes, elle nécessite cependant des mécanismes assez lourds. Nous proposons une approche simplifiée dans laquelle une partie des informations est transportée dans les paquets, et un conditionnement du trafic rend superflues (dans une certaine mesure) les autres informations.


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